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Quand Visker avait un orchestre
En 1946, Visker vit arriver une nouvelle famille d’agriculteurs, évènement assez rare. Jean et Thérèse Médaillon venaient d’Astugue. Ils avaient neuf enfants âgés de 16 ans à 1 an, et en eurent deux autres dans les années suivantes.
Ils s’installèrent dans la maison Bayet où ils restèrent jusqu’en 1960 avant de s’installer définitivement dans la maison Taillur, à la Cantire.
Louis était le troisième enfant et l’aîné des six garçons. Il décida en 1951, à 17 ans, d’apprendre à jouer de l’accordéon. Pendant quatre ans il descendit à Tarbes en vélo pour prendre des leçons chez Madame Aline Parratge et il transmit son jeune savoir à ses frères et à la petite Jeanine. Ils descendirent tous, à leur tour, prendre des leçons chez le même professeur, une fois par semaine, avec le car de Barou.
A partir de 1955, Louis part seul, faire les bals dans les villages aux alentours. L’année suivante, Louis et son frère André s’équipent d’une batterie et animent les bals à deux, se déplaçant dans une camionnette.
En 1957, André, qui joue aussi du saxophone, part faire son service militaire en Algérie, pour 27 mois. Mais la succession est assurée. Jean-Marie, après avoir appris la clarinette, se met à la batterie. Joseph et Lucien, eux, jouent de l’accordéon.
Lorsque André revient d’Algérie en 1960, il se marie et part s’installer à Paris. Louis et ses frères décident de scinder l’orchestre en deux formations pour répondre à la demande car ils sont maintenant connus.
Joseph conduit la camionnette et Louis de son coté se déplace en moto, l’accordéon sur le réservoir et la batterie dans le dos de Jean-Marie.
Louis Médaillon anime les bals dans un rayon de vingt kilomètres autour de Visker, surtout au Sud. Ils sont demandés pour les fêtes et les mariages à Layrisse, Loucrup, Astugue, Trébons, Neuilh, etc, jusqu’à Bordes et les Baronnies, et à Laloubère ou Momères, surtout pour les re-fêtes, c'est-à-dire le bal donné une semaine après la fête annuelle.
Durant ces joyeux évènements, ils ne chômaient pas. Pour les fêtes, l’orchestre se produisait le dimanche à l’apéritif, pour l’aubade dans chacune des maisons, pour le bal de l’après-midi et pour celui du soir, de dix heures à trois heures du matin environ. Le lundi, il y avait l’apéritif-concert et les deux bals comme la veille.
Pour les mariages, ils jouaient avant la photo de la noce, avant le repas et le soir de dix heures à cinq ou six heures du matin.
Louis et ses frères ont tenu ce rythme de 1955 à 1962 pour Louis et 1963 pour Joseph et Jean-Marie.
Parallèlement à ces activités musicales de fin de semaine, Louis avait appris le métier de carreleur au CFPA de l’Abondance à Tarbes, travailla dans une entreprise jusqu’en 1962, et ensuite à son compte jusqu’en 1976. Son dos lui faisant des misères, il entra au Toit Familial s’occuper de l’entretien des bâtiments jusqu’en 1992.
Marié en 1960 avec Gabrielle, qui lui donna deux beaux enfants, il résida à Tarbes avant de revenir à Visker pour la retraite.
Tout ne se passait pas toujours simplement dans la vie de musicien de Louis Médaillon. Parmi les bons souvenirs, il aime à raconter qu’au temps où il se déplaçait seul, une année, le 15 août tombant un mardi, il joua cinq soirées et nuits en suivant. Il enchaîna un mariage le samedi, une fête le dimanche et le lundi, et une autre fête le mardi et le mercredi soir. En rentrant chez lui la nuit du mardi, il s’endormit au volant et se réveilla, indemne, contre un poteau de signalisation.
Il faut dire aussi que quelquefois, Louis cherchait les difficultés. Lors d’un mariage, Il accepta, avant même de débarquer son matériel, d’aller chercher, la pièce montée traditionnelle chez le pâtissier, à Bagnères, la famille n’ayant pas de voiture disponible. A la sortie de la ville, Louis fut arrêté par les gendarmes pour un contrôle. Ils étaient cinq et cherchaient certainement quelque chose ou quelqu’un. Ils soulevèrent la bâche de la camionnette et quand ils virent le spectacle d’André, assis sur le sol au milieu des caisses de la batterie et tenant la pièce montée en équilibre, ils leur souhaitèrent une bonne journée et les laissèrent partir. Louis avait eu chaud. Il valait mieux que le contrôle s’arrête là car, depuis un an qu’il courait les routes, il n’avait pas encore de permis de conduire.
Pire, le lendemain, il descendit à la gare de Tarbes l’oncle du marié qui était gendarme.
Les rapports de Louis et de sa famille avec la musique n’ont pas cessé jusqu’à aujourd’hui.
Lucien joua en orchestre pendant encore 7 ou 8 ans.
Joseph, qui a 71 ans, joue, depuis sa retraite, dans le club d’accordéonistes d’Astugue.
Parmi les enfants de Louis et de Jeanine, quatre sont musiciens professionnels, enseignent dans des écoles de musique municipales et jouent en orchestre. Une petite fille de Louis est accordéoniste et chanteuse dans un important orchestre du Nord de la France, et un petit fils joue de la batterie. Les quatre petits enfants de Jeanine suivent ses traces.
Quant à Louis, de 1981 à 1996, il a dirigé plusieurs chorales, menant les répétitions à l’accordéon jusqu’à quatre et cinq soirs par semaine. Il continue, aujourd’hui encore, à animer la chorale de Labassère, à faire chanter les Visquerois, et à déchiffrer de nouveaux airs afin de les arranger pour l’accordéon.
La musique, chez les Médaillon, c’est une affaire de famille.